Nuit blanche
- 14 juil.
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Nouvelle nuit blanche. A ressasser mes maux, à combattre mes angoisses. Les heures défilent sous mes yeux. Les chiffres cristaux liquide du réveil me narguent, vitrifient mon regard, sans pour autant figer mes pensées. Images en boucle, toujours les mêmes… Pourquoi et comment en suis-je arrivé là ? Commettre l’irréparable et vivre à présent tel un hors-la-loi ; poursuivi avec ma tête mise à prix, j’en suis sûr. Ils ne devraient plus tarder. Et pourtant impossible de fuir. Illusoire… On ne peut échapper à ses démons. Ne serait-il pas préférable de me livrer ? Tout avouer, libérer ma conscience et retrouver la quiétude perdue de mes nuits, quitte à perdre ma liberté ? Peut être arriverai-je à plaider l’acte de démence. Après tout, j’étais presque en situation de légitime défense. Je n’avais rien prémédité. Ce n’est pas mon genre. La virginité de mon casier peut en témoigner. Mais c’est vrai, je ne lui ai laissé aucune chance. Lui trouer ainsi la panse, juste pour sa tête qui ne me revenait pas du tout. Sa face hideuse, graisseuse, ses sales pattes à fouiner partout dans la cuisine et son odeur pestilentielle me donnaient des haut-le-cœur. Je sentais qu’il n’en resterait pas là s’il ne trouvait pas ce qu’il voulait. Certes, ce n’est peut-être pas un argument essentiel mais pour moi ça ne faisait alors plus l’ombre d’un doute. Seule option, le trépas pour sa pomme !
J'ai d'abord poussé un cri...
et le revois sous mes yeux, au moment où il tenta de s’échapper. Apeuré sans l’être, plutôt orgueilleux et prétentieux. Me tenir tête. Voilà ce qui devait lui passer par la sienne. C’était sans compter ma froide détermination à en finir au plus vite. Pas question de le laisser s’échapper. Lui faire payer au prix fort cette intrusion et tout le dégoût qu’il me procurait. C’est clair que l’instinct de survie peut donner des ailes à quiconque.
Rapidement...
il prit la direction du couloir. Fuir mais aussi essayer de me faire comprendre par un dernier regard qu’il reviendrait et qu’ils seront bientôt seuls aux commandes. La boule à l’estomac, qui depuis ne me quitte plus, est peut-être née à ce moment-là. Porte ouverte sur mon for intérieur. Le combat allait être impitoyable. Comment freiner le fauve que j’étais devenu ? Le fallait-il ? La table de cuisine s’interposa, comme un arbitre espérant encore garder la maîtrise de sa partie. La marque jaune sur ma cuisse ne constitua en rien un quelconque avertissement. Réaction trop sanguine. Le rouge l’emporterait. Forcément. Et comme un signe au destin, la bouteille de beaujolais, dans la bousculade, se fracassa au sol. Première victime. Premiers éclats. Le retrouver à tout prix. Où s’était-il camouflé ? Salon, salle à manger, chambre à coucher ? Quel théâtre pour le crime à venir ? Retourner les pièces de A à Z. Tout devait être exploré. Armoire, buffet, chaise, dalles, escalier, fenêtres, garage… Faut-il aller au-delà de G, amadouer chaque initiale suivante au risque de tourner en rond ? Boucle sans fin, sauf à recourir aux points de suspension. Planer avec ses doutes… C’est sans oublier le point final de cette quête. Flinguer, buter, dézinguer l’intrus. En sortir vainqueur.
Gorge sèche...
Comment a-t-il pu m’échapper ? Ça sent le piège. Il doit me guetter, attendre le faux pas qui lui redonnera l’avantage. Je reste sur mes gardes et me tords les boyaux. Comme une obligation, une autre urgence. Une minute, SVP. Le temps de me soulager. Je reprendrai la chasse après l’avoir tiré. Aaah ! … C’est là qu’il se terre. Au ras du sol. Il ne peut plus m’échapper. Sa peau. Sa carcasse. Sa gueule de travers. Son regard abject. Rien, aucune once de pitié. Le manche du balai chiottes fera l’affaire. L’éperonner. Lui porter l’estocade au plus vite. En finir. Il le sentait. Il le savait. Il n’avait pas l’intention d’abdiquer, même acculé. Nouvelle esquive. Et… Merde. Mon geste que je voulais fatal et sans retour, manqua sa cible. Mais pas la cuvette. Coup d’épée dans l’eau. Au fond du trou. Me voilà beau. Rage au bec et fureur intérieure. Le vil avait fuit. A nouveau. Est-ce nécessaire de le préciser ?
Je ne pensais pas qu’il s’accrocherait autant. Pot de colle dans la résistance, comme impossible de m’en débarrasser. D’ailleurs même crevé à présent, il continue à hanter mes nuits, à me rappeler que cette lutte sans merci, aurait dû m’inciter à jeter l’éponge. Pourtant je ne pouvais lâcher le morceau. Dès le début, j’ai annoncé sa fin. Et comme on y est presque. Je n’ai plus le temps de tergiverser. Sus au mal. L’affaire allait se boucler en un tour de main. Pas d’autre choix. L’aube n’est pas loin. Le clair de lune n’est plus. Je le retrouve pour un dernier face à face. Le fixer du regard. Ne plus le lâcher. L’homme qui tua Liberty Valence. L’homme au pistolet d’or. Des images salvatrices complices. Le geste serait désormais posé. Calme et serein. Approche. Oui, toi. Tu n’as aucune chance de t’en sortir. Fin du sursis. Fin tout court. Je me présente, je suis le tueur de cafards.

mbur - brocauteur texte 2006 repris en juin 2025 pour "la machine à écrire" https://www.inventoire.com/





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