J'attache de la valeur ...
- 7 mars
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J’attache de la valeur à toute vie, toute chose, éphémère et fragile. Magnifier l'invisible et le vivre en poésie.
J'attache de la valeur à l'esprit des saisons. De la rosée délicate sur un pétale aux perles de pluie en équilibre sur une toile d'araignée. Du givre cristal de lumière blanche au festival des couleurs chaudes de la forêt. J’attache de la valeur à cueillir plein les doigts cerise, pêche, mûres. A saluer tournesol fier et bravache, coquelicot frêle et pétaradant. A respirer mimosa, jasmin et tous les parfums de leurs sœurs.
J’attache de la valeur à la jeune pousse farouchement indépendante et vivace née entre deux pierres. A toutes les saxifrages balbutiant leur beauté oubliée du monde. Au chant des oiseaux à l’aube, à l’abeille butinante, à la coccinelle embarquée sur mon vélo. A la quiétude de la rivière filant doux son chemin, aux reflets d'étoiles à sa surface, à la musique du vent faisant danser les cimes des arbres. Au coup d’œil à la silhouette de la cathédrale aux quatre coins de Strasbourg.
J'attache de la valeur aux gestes délicats, à la bienveillance gratuite, à l’insignifiant détail qui rythme chaque jour.
A la porte que l'on retient avant qu'elle ne se ferme, au sourire inconnu dérobé et croisé entre deux escaliers, à celui ou celle qui se lève et cède son siège, au respect mutuel pour entrer et sortir d'un moyen de transport. A la carte postale trouvée dans la boîte aux lettres, aux mots sur un post-it qui disent l'amour.
J'attache de la valeur à la une de Libé qui dit tout sur une page, à ce verre de vin qui déclenche le sourire partagé, aux notes de jazz sur FIP. Au commentaire du libraire griffonné sur un carton, à l'ardoise qui annonce le menu du jour, au col de mousse d'une bière pression, aux vers de poésie déposés dans un livre, placardés dans le métro ou tagués sur un mur.
J'attache de la valeur aux fournées du boulanger pour nous offrir une baguette chaude, aux primeurs sur l'étal du maraîcher pour nous réconcilier avec les circuits courts et le rythme des saisons. Aux salles obscures pleines de lumière, aux colonnes de théâtre et de concert, aux musiciens dans la rue, aux terrasses qui ne désemplissent pas. A l'acte d'amour à tout âge, à l'énergie de l'enfant qui ne s'arrête plus de courir, à la partie de foot improvisée dans une impasse, au commerçant qui connait son client et lui sourit.
J'attache de la valeur à la lecture d'une bonne nouvelle, à l'écoute d'une onde positive, au partage d'une marque d'amour et d'amitié. A l'esprit de résistance et d'indignation face aux injustices, à l'envie d'en découdre avec la sphère facho, à l'humour qui sait la moquer, à toutes les larmes du rire.
J'attache de la valeur aux valeurs, celles qui fondent l'humanité et les droits du vivant.
Au verbe aimer dans l'intimité retrouvée quand une journée commence ou se termine.
Mbur - brocauteur 03/25

NB : inspiration libre du texte d’Erri de Luca « Valeur », in Œuvre sur l’eau - proposition des plumes du dimanche (Merci Bénédicte S-M).
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